Trouver le temps de se former : pas si simple

Notre époque est marquée par un excès et une rapidité sans précédent, une tendance qui se reflète pleinement dans le domaine du learning en entreprise. La plupart des responsables de formation, en intégrant des outils numériques et des systèmes de gestion de l'apprentissage (LMS) dans leur entreprise, ont développé un environnement de contenu de formation en « Self Service à la demande ». Si cette approche permet aux collaborateurs de choisir librement leurs formations, l’abondance qui en résulte peut nuire à l'envie d'apprendre. Ce verre « à moitié plein à moitié vide » est mis en évidence dans une étude de LinkedIn Learning (2020) : 94 % des employés déclarent qu'ils resteraient plus longtemps dans une entreprise si elle investissait dans leur apprentissage ; mais, la même étude révèle que le principal défi est de trouver le temps pour ces formations.

On peut le comprendre par les surcharges qui pèsent sur les collaborateurs… Trop d’informations, trop d’options : face à cet océan de ressources, ils peuvent légitimement se sentir submergés et perdre leur motivation à apprendre. Par ailleurs, il faut se garder de cette idée simpliste qu’i suffit de regarder une vidéo ou d’écouter un podcast pour apprendre : on s’informe certes, mais apprend-on pour autant ? Il est crucial de comprendre que l'apprentissage est un processus qui, nécessitant du temps, s’appuie sur des étapes bien connues : collecte de l'information, encodage, synthèse, réutilisation. Stanislas Dehaene (psychologue cognitif et neuroscientifique, directeur d’une chaire au Collège de France) met en exergue quatre facteurs clés qui influencent la facilité d'apprentissage : l'attention, l'engagement actif, le retour d'information immédiat, et la consolidation (Source Collège de France, Stanislas Dehaene). Dès lors, comment agir pour que cette approche « self service » ne s’épuise pas en « picorage » d’informations, comment s’assurer que les conditions de la mise en pratique soient bien présentes ?

Démocratisation de l’Intelligence Artificielle (IA) générative

La démocratisation de l’IA générative initiée par ChatGPT en 2023 commence d'être utilisée dans la création de contenus de formation personnalisés. Pour éviter l’effet de lassitude des apprenants, et maintenir leur engagement à se former, des Directions Formation testent depuis des mois la possibilité de créer des contenus de formation à la demande personnalisés selon les modes d’apprentissage de l’apprenant. Il ne s’agit plus pour lui de piocher (« mode pull ») dans une formation selon l’intérêt du moment, mais de créer une formation spécifiquement pour lui à partir de briques existantes et d’une analyse fouillée de ses besoins ; formation qui lui sera délivrée directement en « mode push ». On observera toutefois que cette nouvelle façon de créer et de dispenser des formations repose sur le même processus d’apprentissage décrit par Stanislas Dehaene. Les mises en application ne manquent pas… Pour ne citer qu’un exemple : WastonX est un dispositif d’IA utilisé par IBM pour personnaliser les parcours d'apprentissage de ses employés à partir de l’analyse de leurs compétences ainsi que de leurs besoins de formation. 

Un peu de remue-méninges…

Et, si l’on cessait de former les collaborateurs avec des contenus, pour leur demander de réaliser le portfolio de ce qu’ils ont appris dans la journée, et comment ils peuvent réutiliser ces savoirs « en conscience » ? Cette approche fondée sur une plus grande réflexivité renforcerait la métacognition. Permettre au collaborateur d’exercer et de développer une introspection informée au sens de Piaget (la psychologie de l’intelligence, 1947) l’aiderait à apprendre plus, plus vite et mieux. Pour redonner l’envie d’apprendre, suscitons le désir ! Et, si l’avenir du learning consistait justement à donner de l’espace mental et du temps au collaborateur ? 

Affaire d’équilibre

C’est donc dans l’équilibre entre les modalités de « self service », de « personnalisation des contenus de formation » et « de temps de réflexivité informée » que se trouve l’avenir du learning. Parce que nous avons tous besoin de choisir, de nous questionner et d’être guidés.

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